ait été, proportionnellement, aussi importante qu’aux États-Unis, le contraste entre ces deux pays était très frappant. Alors que de l’autre côté de l’Atlantique, depuis deux siècles, l’immigration occupe une place centrale dans la mémoire collective, en France, cet aspect majeur de notre passé national a été très longtemps complètement refoulé. À cet égard, il existe une grande différence entre l’immigration et la colonisation. Le passé colonial de la France n’a jamais été, en effet, refoulé en tant que tel. Très tôt, nous avons eu une histoire coloniale partisane, à caractère hagiographique. Et c’est contre celle-ci qu’une histoire coloniale plus scientifique, et plus critique, s’est construite au cours des dernières décennies. En revanche, l’histoire de l’immigration s’est développée sur un terrain vierge, pour combler un manque, pour exhumer une dimension refoulée de notre histoire nationale. Avant que naisse ce nouveau champ de recherche, les historiens s’étaient surtout intéressés à la question de l’émigration (voir les travaux sur les huguenots fuyant les persécutions sous l’Ancien Régime, ou sur les nobles ayant émigré dans les pays voisins pour échapper à la Terreur pendant la Révolution française). L’histoire économique et sociale s’est penchée, quant à elle, sur les migrations “intérieures”, en privilégiant la question de l’exode rural.
Un nouveau contexte intellectuel
L’histoire de l’immigration a pris son envol parce qu’elle est parvenue à définir ce qui constituait son objet propre. On peut parler d’immigration, au sens strict du terme, lorsque des individus se déplacent dans l’espace et franchissent une frontière. C’est cette double dimension qui explique l’importance centrale de cette question dans notre histoire contemporaine. Elle se situe en effet au croisement des deux révolutions qui ont fait basculer notre monde dans la modernité. La première, c’est bien sûr la Révolution française, qui inaugure l’âge des États nations fondés sur le