IPHIGÉNIE II, I
L'AVEU CONSTITUTIF DE L'HÉROÏNE TRAGIQUE

Dans cet extrait, l’aveu dramatique d’Eriphile lui donne un poids important dès sa première apparition sur scène. Cet aveu fait apparaitre un personnage aux multiples facettes, mais toujours victime. Elle en devient la véritable héroïne tragique de la pièce. Cette scène, par l’aveu d’Eriphile de l’amour qu’elle éprouve depuis peu pour Achille, est un renversement de situation saisissant. De plus, l’héroïne tragique y apparait tourmentée, entre horreur et résignation face à ses sentiments déconcertants. Eriphile débute son discours par une accumulation de descriptions fortement péjoratives d’Achille. Les adjectifs tels que « fatal » (v.5), « sanglante » (v.7), et « odieux » (v.9) sont témoins de la force avec laquelle Eriphile souhaite se distancer de son capteur. Avec la formulation « cet Achille » (v.6) elle accentue son rejet de lui en utilisant un pronom impersonnel pour le désigner. Par ailleurs, Eriphile utilise des métonymies pour désigner Achille : «Cruelles mains » (v.23) et « bras ensanglantés » (v.26), ce qui contribue à son effort de distanciation : elle n’ose prononcer son nom. Cependant, son aveu v.10 constitue le moment de révélation de la scène. L’antithèse entre « le plus cher à mes yeux » et le portrait effectue dans les vers précédents marque le retournement de situation fondamental. L’adjectif « odieux » (v.9), placé à la fin du vers, représente la culmination du portrait péjoratif d’Achille. Ce mot est mis en valeur, juste avant la révélation du v.10, ce qui renforce son impact. Le vers 10 suggère déjà une Eriphile tourmentée, en proie à deux sentiments contraires, face à un dilemme personnel. C’est ensuite la passion qui triomphe sur la raison (« j’oubliai ma colère », v.34), ce qui fait de cette scène un exemple d’un des topoï fondamentaux de la tragédie, le conflit entre le bon jugement et les sentiments. Eriphile est complètement possédée par la force de son tourment, son