Je serais marri
Pierre de Ronsard, un des pères fondateurs de la Pléiade, a dédié un recueil de poésie à Hélène de Surgères, une suivante de la reine, pour la consoler de la mort de son fiancé. Mais la jeune femme, peut-être encore trop marquée par son deuil récent, ne répond pas comme il l'espérait à ses attentions.
Le poème dont il est question ici laisse poindre le sentiment de déception du poète face a l'attitude de la belle. Comment Ronsard procède-t-il pour faire ressentir au lecteur la force de son dépit amoureux et pour rendre sensible la distance qui le sépare de l'objet de son désir ? C'est ce que nous verrons en analysant le jeu d'opposition sur lequel est bâti le poème, puis en recherchant de quelle façon l'auteur met en scène sa souffrance.
I) jeu d'opposition sur lequel est bati le poeme
Tout au long du sonnet s'élabore un dialogue de sourds entre un « je » qui, dans la pure tradition lyrique et élégiaque, exprime sa souffrance, et un «tu » qui ne l'entend pas : le premier hémistiche du premier vers appartient au poète : « je ne serai marri », le second appartient à la femme indifférente : « si tu comptais ma peine » ; « Tu loges au sommet du palais de nos rois » tandis que « Je perds à chaque marche et le pouls et l'haleine ». Ainsi le poète et la femme se croisent-ils a chaque strophe sans jamais se rencontrer.
Au poète sans cesse en mouvement, ainsi que l'illustre le vers 5, Hélène au premier vers du premier tercet oppose sa situation immobile et dominante, « assiste en si haut lieu ». Se met donc en place une opposition mobilité/immobilité et surtout bas/haut qui matérialise la distance quasi-infranchissable que le poète consent malgré tout, pour servir sa belle, à tenter de franchir : la montée des marches tant de fois mentionnée, « compter tes degrés » ; «a chaque marche » ; « pour monter » répond a la récurrence du champs lexical de la hauteur : « La cime si hautaine » ; « en si haut lieu » ; « si haut ».
Parallèlement à cette