José-maria de heredia
Dans le Phénomène futur, ce chef-d’oeuvre de M. Stéphane Mallarmé, le Montreur de choses passées révèle aux hommes qui se meurent de décrépitude sur un monde vieilli, la beauté oubliée de la Femme dont les cheveux sont une extase d’or, et dont le corps splendide a conservé l’harmonie des lignes et la perfection des contours ; et les hommes de ces temps d’avenir sentent confusément monter en eux l’intense mélancolie de cette Beauté entrevue. Le monde est encore loin de pressentir sa dégénérescence ; cependant, M. José-Maria de Heredia nous fait un peu l’effet du Montreur de choses passées, et ses Trophées donnent à nos sens éblouis le magique frisson de la Beauté parfaite, de la Beauté contemplée en elle-même, et telle que seuls peut-être l’ont rêvée les Grecs et les artistes de la Renaissance. Ses vers laissent une impression de plénitude de vie, de joie puissante, qui merveilleusement réconforte notre âme attardée à trop de pensées et de rêves attristés ; et cette impression est presque unique dans l’art présent. C’est que jamais peut-être la dualité de l’être humain ne s’est attestée comme dans le manque d’équilibre de notre époque. Les Grecs, dans cette antiquité qui était la jeunesse du monde et qui était belle de toutes les grâces de la jeunesse, étaient proches encore de la simple nature de l’homme primitif ; en une parfaite harmonie, l’homme développait alors son esprit qui se plaisait à l’étude de la pensée, et son corps qui recherchait les joies de la lutte et la beauté des attitudes ; le jeu de l’intelligence et le jeu des muscles étaient le double but de sa vie, et l’on célébrait avec le même enthousiasme le triomphe des athlètes et la gloire des poètes. Le christianisme, en transformant le monde, lui a insufflé le désir des biens supérieurs et le renoncement au libre développement de la nature. Et lentement, en vertu de cet insensible progrès qui régit l’univers et qui le conduit, par des transformations et des évolutions