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●“La Chartreuse de Parme” LE CHEF D’ŒUVRE DE STENDHAL Fabrice, héros solaire :
Selon Shoshana Felman, la Chartreuse se lit comme « une épopée du langage ». Fabrice, qui se perd d’abord en bavardages inutiles (« N’ouvre la bouche que le moins possible » lui recommande la geôlière, II) se trahit à Waterloo par son accent étranger et se heurte à l’écran des signifiants – obstacles, rideaux de fumée, ligne naturelle plantée d’arbres. C’est l’abbé Blanés qui l’initie à une progressive maitrise des signes et du sens, ce dernier, qu’obsède justement la question de la juste adéquation des mots et des choses, lui apprend à décrypter ce que « les hommes chargés de terre et de trépas méprisent et ne lisent pas ». Or Fabrice, s’appliquant à lire son destin au lieu de tenter, comme Julien, de le récrire, parvient á se libérer du modèle idéal dont l’imitation obsédait et encombrait Julien : « je me compare toujours à un modèle parfait et qui ne peut exister ? Eh bien ! je me pardonne… » C’est en ce sens que Fabrice accomplit et parachève dans l’acceptation de soi-même le type du héros stendhalien jusque-là inachevé et problématique. Fabrice aussi est le seul des héros de Stendhal à posséder cet éclat solaire qui le place au dessus du commun. Contrairement à Julien Sorel qui porte en lui, funestement, la marque de l’atavisme paternel, Fabrice, issu du lieutenant Robert, est né de la rencontre mythique entre les deux principes féminin et masculin que sont l’Italie, « matrie », selon Barthes, et l’armée napoléonienne, virile et fécondante. On donnera donc tout son sens à l’épisode du pont de Lodi qui ouvre l’accès à la terre d’Italie et dont le franchissement à valeur de symbole. Fabrice parachève la geste manquée ou interrompue de la plupart des héros stendhaliens : Henry Brulard s’interrompait à l’arrivée des Français à Milan et le roman de Lucien Leuwen s’arrêtait au moment où le héros partait pour l’Italie. Fabrice commence donc son itinéraire là où les autres l’achèvent.