la condition de la femme
Monsieur,
Je m'associe du fond du cœur à votre utile manifestation. Depuis quarante ans, je plaide la grande cause sociale à laquelle vous vous dévouez noblement.
Il est douloureux de le dire, dans la civilisation actuelle, il y a une esclave. La loi a des euphémismes ; ce que j'appelle une esclave, elle l'appelle une mineure ; cette mineure selon la loi, cette esclave selon la réalité, c'est la femme.
L'homme a chargé inégalement les plateaux du code, dont l'équilibre importe à la conscience humaine ; l'homme a fait verser tous les droits de son côté et tous les devoirs du côté de la femme.
De là un trouble profond. De là la servitude de la femme.
Dans notre législation telle qu'elle est, la femme ne possède pas, elle n'est pas en justice, elle ne vote pas, elle ne compte pas, elle n'est pas. Il y a des citoyens, il n'y a pas de citoyennes. C'est là un état violent ; il faut qu'il cesse.
Les gouvernants sont en retard
Je sais que les philosophes vont vite et que les gouvernants vont lentement ; cela tient à ce que les philosophes sont dans l'absolu, et les gouvernants dans le relatif ; cependant, il faut que les gouvernants finissent par rejoindre les philosophes. Quand cette jonction est faite à temps, le progrès est obtenu et les révolutions sont évitées. Si la jonction tarde, il y a péril.
Sur beaucoup de questions à cette heure, les gouvernants sont en retard. Voyez les hésitations de l'Assemblée à propos de la peine de mort. En attendant, l'échafaud sévit.
Dans la question de l'éducation, comme dans la question de la répression, dans la question de l'irrévocable qu'il faut ôter de la pénalité, dans la question de l'enseignement obligatoire, gratuit et laïque, dans la question de la femme, dans la question de l'enfant, il est temps que les gouvernants avisent. Il est urgent que les législateurs prennent conseil des penseurs, que les hommes d'Etat, trop