La croissance démographique xie-xiiie siècle
Toutes les sources, surtout les sources narratives, donnent à penser qu’il y a eu une forte augmentation de la population. Comment compter la population au Moyen Age, comment l’évaluer ? Quels outils utiliser pour compter ? Dispose-t-on de chiffres fournis par l’époque ?
I/ La démographie en France (et en Occident) : problème de sources et de méthodes
Il n’y a pas de dénombrement au sens moderne (contemporain) du mot. Seule l’Angleterre offre un document de grand intérêt, le Domesday Book, c’est-à-dire le Livre du Jugement dernier de
1086. En effet, le roi d’Angleterre, Guillaume le Conquérant (1066-1087) fait entreprendre une description générale de son royaume. Tout devait être répertorié : les tenures familiales (hides), la quantité de terre, de bétail, les redevances dues au roi dans chaque comté et à chaque propriétaire, les terres des prélats, des earls (comtes). En réalité, tout le monde n’a pas été enregistré, les principales villes sont absentes. Mais à partir des données des 276 000 déclarants, on a pu estimer la population de 1086 à 1,3 million d’habitants. La question qui s’est posée est celle de savoir combien de personnes vivaient en moyenne sur un hide. En suivant l’historien américain J. C.
Russel, on a utilisé le coefficient multiplicateur de 3,6. Il y a naturellement une marge d’erreur.
Quand on ne dispose pas d’un tel document, on est contraint d’essayer de compter la population à l’aide des listes de tenanciers et de corvéables (ceux qui doivent encore la corvée), des censiers (= livre de terre ou livre foncier, établi sur l’ordre d’un seigneur, dressant à une date précise et valable à cette date, la liste des tenanciers et de leurs tenures, ainsi que les redevances et les services qui y sont attachés), des terriers (= inventaire passé devant un notaire, et donc authentifié, des tenanciers et de leurs tenures avec la liste des redevances et des services dus), des livres de