La déviance comme réponse aux contraintes sociales
Merton, Robert K. (1953), Eléments de théorie et de méthode sociologique, Paris, Plon, coll. ''Recherches en sciences hmaines", p. 177-181, extraits
Ce texte classique de Robert Merton montre comment la volonté de réussir, d'être intégré dans la société, peut inciter les individus à opter pour des voies déviantes, plus efficaces, adaptées ou rapides. Ce qui oblige souvent à choisir des moyens innovants, qui favorisent le changement social. La grande importance que la civilisation accorde au succès invite les individus à utiliser des moyens interdits mais souvent efficaces pour arriver ne serait-ce qu'à un simulacre de réussite : richesse et pouvoir. Cette réaction a lieu lorsque l'individu a accepté le but prescrit mis n'a pas fait siennes les normes sociales et les procédures coutumières.
L'individu tendu vers un but est prêt à prendre des risques, quelle que soit sa position dans la société ; mais on peut se demander dans quels cas la structure sociale, par sa nature même, prédispose les individus à adopter un comportement déviant. Chez les individus d'un niveau économique élevé, il n'est pas rare que la pression en faveur de l'innovation rende imprécise la distinction entre les pratiques régulières et irrégulières. […]
L'histoire des grandes fortunes américaines est celle d'individus tendus vers des innovations d'une légitimité douteuse. L'admiration que les gens éprouvent malgré eux pour ces hommes malins et habiles (smart), et qui réussissent, s'exprime souvent en privé et même en public : c'est le produit d'une civilisation dans laquelle la fin sacro-sainte justifie les moyens. […]
Les statistiques officielles sur la criminalité font régulièrement apparaître une plus grande proportion de crimes dans les couches les plus basses ; elles sont loin d'être complètes et sûres. Cependant, d'après notre analyse, les plus fortes pressions en faveur de la déviance s'exercent certainement sur les couches