La notion de polyphonie
Mot décalqué du grec poluphônia signifiant d'après l'étymologie « multiplicité de voix ou de sons ». Utilisé d'abord dans le vocabulaire de la musique vocale, le terme désigne « un procédé d'écriture qui consiste à superposer deux ou plusieurs lignes, voix ou parties mélodiquement indépendantes, selon des règles contrapuntiques » (TLFI). Par métaphore, le mot a été introduit en théorie littéraire en Europe de l'Ouest dans les années 60 par les ouvrages du chercheur russe Mikhail Bakhtine (1895-1975 ; il produit ses œuvres majeures dès les années 30) relayés par Julia Kristeva avant leur traduction pour décrire les phénomènes de superposition de voix, de sources énonciatives dans un même énoncé. Il peut être défini comme la réalisation littéraire romanesque de ce qui est un principe épistémologique bakhtinien, celui de dialogisme. Bakhtine voit dans la polyphonie dialogique la particularité constitutive du roman moderne, du moins depuis Dostoïevski : ses romans mettent en scène des personnages comme autant de consciences indépendantes mais en interrelation dialogique, qui parlent de manière individuée, de sorte que « le problème central de la stylistique du roman peut être formulé comme problème de la représentation littéraire du langage, problème de l'image du langage » (Esthétique et théorie du roman, p. 156). Voir Style Le terme est ensuite souvent entendu dans un sens plus large, désignant globalement une multiplicité de voix à l'œuvre dans un texte. Mais il s'agit là d'un appauvrissement du concept (parce que l'on fait alors l'économie du dialogisme). Parallèlement, le mot est inscrit par Bakhtine lui-même dans une perspective linguistique. En opposition avec le structuralisme saussurien, il pense que les énoncés ne sont pas une simple actualisation d'une langue immanente, mais résultent de toute une interrelation humaine ; il veut fonder une « translinguistique » qui s'apparente en fait à une linguistique de l'énonciation et à une