La nuit de valogne
La Nuit de Valognes
« La Nuit de Valognes propose ma vision de Don Juan. Don Juan est un être en perpétuel mouvement qui voudrait être arrêté. S'il se préoccupait de son plaisir, il pourrait éprouver de la jouissance ; il pourrait ralentir le temps et l'élargir aux dimensions de l'extase voluptueuse. Mais, raisonnant comme un soldat, conquérant et seulement conquérant, il n'éprouve rien d'orgasmique dans l'orgasme, juste la délivrance d'une tension, la fin d'une gêne. Son désir mort, il attend qu'en naisse un autre, qu'il réalisera aussi en le faisant mourir. La vie de Don Juan s'est concentrée sur le sexe sans qu'il ait rien compris au sexe. Il ne voit dans le sexe que la réalisation égocentrée de sa pulsion, sans soupçonner les portes qui s'ouvrent alors, le plaisir, la volupté partagée, la relation à l'autre, l'horizon des sentiments…
Don Juan, certes toujours mobile, tourne en rond. A l'écoute de ses seules pulsions, il est condamné à de perpétuelles exténuations. Sa vie d'aventures est devenue bègue et ennuyeuse. Je me suis amusé à la contrarier fortement.
Dans les versions des XVIIe et XVIIIe siècles, il est puni par le Commandeur, une statue qui figure le divin. Plutôt qu'un Dieu de colère et de vengeance sorti de l'Ancien Testament, je dessine un Fils aimant, trop aimant, une figure à la fois christique et perverse.
Voici la vraie punition de Don Juan : éprouver de l'amour pour un homme, lui qui le cherchait -si mal- sous le jupon des femmes. Est-ce que cet amour surprenant révèle une homosexualité inavouée ?
Certains psychologues ont avancé cette thèse que le donjuanisme, la multiplication des femmes toujours désirée et toujours insatisfaisante, pouvait cacher virilement une homosexualité, révélant un culte ambigu de l'homme. Je leur laisse la responsabilité de cette explication car ce n'est pas, ultimement, ce qui m'intéresse ici. Pour moi, il s'agit surtout de distinguer le sexe de l'amour.
L'amour n'a