Langue et identité
GILBERT GRANDGUILLAUME
REFERENCE :
PEUPLES MEDITERRANEENS, N°9, OCT-DEC 1979, P.3-28
La structuration d’une culture nationale est sans doute l’un des problèmes essentiels auxquels est confrontée la société maghrébine actuelle. Si cette question met en jeu des intérêts politiques importants concernant en particulier la légitimation du pouvoir de l’Etat, elle n’en repose pas moins sur des mécanismes spécifiques qui touchent à des ressorts profonds tels que la notion d’identité.
Cette question doit être abordée en évitant deux positions extrêmes : l’une qui met en valeur le rôle des facteurs politiques comme intervenant directement dans ce champ culturel sans tenir compte des règles qui ont propres à ce dernier, l’autre qui considère cette univers de la culture comme un monde clos, régi par sa seule dynamique interne.
Les pages qui suivent essaient de définir quelques repères dans cette approche des cultures nationales au Maghreb. Partie d’une recherche sur le problème de l'arabisation et son insertion dans le contexte global du Maghreb, cette réflexion s’est trouvée conduite à mettre en valeur le rôle central qu’il faut accorder à la langue, envisagée ici non dans sa fonction de communication, mais dans le rapport qui entretient de l’identité.
La langue, dans la triple réalité qu’il revêt au Maghreb, maternelle, arabe ou française, peut être considérée comme le noyau autour duquel se constituent les ensembles culturels à partir desquels s’élabore la synthèse en cours. Si on envisage la dynamique qui traverse cette culture, on est conduit à constater qu’elle s’établit par rapport à trois pôles : l’ethnie, la nation arabe – umma -, et la nation moderne, qui ne sont pas sans rappeler la triple référence linguistique, et qui constituent également des repères d’identité.
Etudier la culture au Maghreb reviendra donc dans cette hypothèse à envisager en permanence la position respective de ces trois « pôles »,