Le fantastique chez maupassant
On peut accumuler les éléments qui font connaître le terrain névrotique sur lequel se construit toute l’œuvre de Maupassant : hérédité lourde du côté de sa mère, impression d’abandon produite par la séparation des parents, syphilis brochant là-dessus et parvenant au stade tertiaire, avec des traitements à la fois calmants et excitants, et l’usage de la drogue pour calmer la douleur. Maupassant est un cyclothymique passant par des alternances d’excitation et de dépression. Mais comment croire que le conteur fantastique soit chez lui un produit de la maladie ? Du conte pessimiste, du conte cruel, au conte fantastique, il n’y a pas loin, car le fantastique de Maupassant vient du cœur et des choses, il suinte de l’univers, il est la fine pointe de la réalité. Mais le lecteur français est tellement méfiant devant l’irrationnel qu’il voudrait à toute force le caser dans une catégorie spéciale, le rendre inoffensif : voyez, c’est un fou qui écrit des histoire de folie ; nous pouvons les lire sans être entamés par elles ! Pareille assertion ne résiste pas à l’examen. Dans la courte et si remplie carrière littéraire de Maupassant, les contes fantastiques sont présents dès le début (“ Sur l’eau ” fait partie de La maison Tellier, “ Fou ? ” de Mademoiselle Fifi) et connaissent un maximum de fréquence en 1885-1886, le moment du Horla, pour diminuer en nombre ensuite, comme si Maupassant avait précisément reculé devant des récits qui mettraient en scène un destin dont il sentait qu’il serait le sien. Il n’a pas donné de place spéciale à ses contes fantastiques, qu’il a fait paraître dans des recueils où ils avoisinaient des récits dits “ réalistes ”. Et quand il les a écrits, il n’était pas “ fou ”. Il maîtrisait parfaitement son sujet et son écriture ; il prenait distance. Le moment où Maupassant sombre dans la folie, c’est précisément celui où il cesse d’intéresser la littérature : il hésite, il commence des romans, restés inachevés ; puis il n’écrit