Le front populaire face a la crise
Avant la formation du nouveau gouvernement, des grèves éclatent dans des usines d’aviation du Havre. Le 11 mai, 600 ouvriers et 250 employés des usines Breguet arrêtent le travail pour demander la réintégration de deux militants licenciés pour avoir fait grève le 1er mai. L’usine est occupée et les tentatives de la police de déloger les grévistes échouent, les dockers se solidarisant des grévistes. En deux jours, ces derniers obtiennent satisfaction. Le 13 mai, c'est au tour des usines Latécoère, à Toulouse, puis le 14 à celles de Bloch, à Courbevoie, d'être occupées. Le mouvement se répand comme une trainée de poudre, atteignant rapidement les entreprises voisines[31].
Le 24 mai le rassemblement en souvenir de la Commune de Paris rassemble 600 000 participants, brandissant des drapeaux rouges et chantant des hymnes révolutionnaires. Le lendemain, de nombreuses grèves débutent en région parisienne, qui obtiennent généralement rapidement satisfaction. Le 28, les 30 000 ouvriers de Renault à Billancourt entrent dans la grève. Un compromis est trouvé avec la CGT, mais la lame de fond continue, et à partir du 2 juin des corporations entières entrent en grève : la chimie, l’alimentation, le textile, l’ameublement, le pétrole, la métallurgie, quelques mines, etc. À partir du 5, les vendeurs de journaux, les tenanciers de kiosques, les employés des salles de spectacles, les commis, les garçons de café, les coiffeurs, des ouvriers agricoles etc. font grève, souvent pour la première fois.
Pour la première fois également les entreprises sont occupées par les grévistes, qui organisent des comités de grève. Se trouve remis en cause le principe de la propriété privée des moyens de production[31]. Des bals sont donnés dans les usines ou les grands magasins, des compagnies de théâtre (comme le groupe Octobre de Jacques Prévert) jouent des pièces. On compte 12 000 grèves, dont 9 000 avec occupation, entraînant environ 2 millions de