Le joujou du pauvre
Jusqu’au XIXe siècle, on écrit en vers ou en prose et la distinction entre les deux modes d’écritures est très tranchée. Si la prose n’impose aucune contrainte, la poésie par contre obéit à des règles très précises. Baudelaire comme d’autres poètes de son siècle se libère de ces contraintes en rédigeant des poèmes en prose. Le poème en prose n’a aucun domaine réservé et l’ironie peut voisiner avec le lyrisme. « Le joujou du pauvre » est tiré de l’oeuvre posthume Le Spleen de Paris, publié en 1869. L’autre nom du Spleen de Paris, Petits poèmes en proses rappelle par l’emploi de l’adjectif « petits » que les thèmes de ces poésies n’ont rien de grandiloquents : ce sont souvent des scènes de la vie quotidienne au-delà desquelles l’on perçoit quelque chose de plus que le visible. Celle-ci présente la confrontation de deux enfants et de leurs joujoux. C’est donc au travers du jeu des enfants que nous assistons à une peinture de l’humaine condition qui révèle l’idéal du poète.
I-l’écriture poétique
« Le joujou du pauvre » est prétexte à d’autres jeux que celui de deux enfants : nous assistons tout d’abord par l’esprit du poète à un jeu de miroir, puis par l’écriture à un jeu d’opposition.
1)- un jeu de miroir :
Par un jeu de miroir, ce poème propose l’image de l’endroit et de l’envers d’une même scène : la répétition des mêmes termes :« sur une route, derrière la grille.. », « de l’autre côté de la grille, sur la route », « un enfant », « un autre enfant » suggère qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre l’image et son reflet. L’usage de la construction en parallèle et la reprise de mêmes termes donnent un rythme au poème. Les phrases se font écho comme la rime dans une poésie en vers. l’idée du miroir est encore plus franche lorsque Baudelaire évoquent le face à face : « Et les deux enfants se riaient l’un à l’autre fraternellement, avec des dents d’une égale blancheur. » ; pourtant tout autant qu’un jeu de