Le mal semble relever d’une évidence tant on le repère aisément, du niveau politique (ne crie-t-on pas à l’axe du mal, à ″l’Empire du mal″ ou au ″Grand Satan″ ? les utilisations du concept du choc des civilisations ne trahissent-elles pas un manichéisme primaire ?) au niveau des discours des enfants qui, ayant intériorisé relativement les repères familiaux ou sociaux, savent expliquer que telle chose, ″c’est mal″. Le mal serait donc l’obscur pendant du bien, ce qui s’écarte de la morale, de la norme, de la loi ou des règles, il résiderait dans les formes de la négativité : du mensonge à la destruction, en passant par le déclin. Oserait-on un peu de relativisme — en soulignant simplement par exemple, que les maux sont variables dans leur perception et leurs effets, qu’ils dépendent des points de vue — on commettrait selon certains, des autorités religieuses des siècles passées aux politiques modernes, un mal encore plus grand : la remise en cause du bien et du mal, des règles et des repères…
Pourtant, toutes ces doxa du mal fonctionnent bien mal isolément et encore plus ensemble. La loi entend viser ce qui est juste et fixe en fait ce qui est légal, permis, mais les lois mauvaises ont existé ou existent, et toute loi peut engendrer le mal en son application, sans compter que la loi et l’ordre peuvent être ressentis comme des violences par les individus, c’est-à-dire comme des maux. Même limites pour la morale qui est parfois bien pécheresse elle-même en sacrifiant liberté et spontanéité au délire de la norme et du decorum. Et si les paroles proverbiales ne doivent pas être prises au pied de la lettre, il reste qu’elles recèlent quelques constats troublants : ″à quelque chose malheur est bon″, ″le malheur des uns fait le bonheur des autres″…
Pour dire le mal, il faut donc reprendre les choses en amont, d’abord s’intéresser à l’expérience que nous pouvons faire du mal avant de l’enfermer dans des cadres qu’il déborde —où est d’ailleurs le mal ? dans le