Le moment heureux de la psychiatrie italienne
Mario Colucci*
Pour décrire la situation psychiatrique actuelle en Italie, il faut partir de la loi 180 de 1978. Elle a été le résultat d’une longue période de luttes anti-institutionnelles qui a commencé à Gorizia en 1961, qui a impliqué diverses expériences italiennes – la première entre toutes étant celle de Trieste – et qui a vu la fermeture des hôpitaux psychiatriques. Cette loi a aussi marqué le début d’un nouveau courant de pensée et d’engagement politique. Franco Basaglia, qui en est le vrai instigateur, nous parle du vide qui se creuse au lendemain de la mort de l’asile le définissant comme un « moment heureux où l’on pourrait commencer à aborder les problèmes d’une façon différente ».[1] Aujourd’hui, il est fondamental de se demander ce qui reste de ce vide ou s’il a été rempli de nouveau. Autrement dit, nous essaierons de nous interroger sur la spécificité de la psychiatrie italienne – une santé mentale sans asiles – en tentant de saisir comment elle a fonctionné jusqu’à aujourd’hui, si elle a résisté à l’homogénéisation globale de la psychiatrie et si elle n’est pas somme toute devenue comparable à toutes les autres psychiatries. La loi 180 a été insérée, quelques mois après sa promulgation, dans la loi 833 de 1978 (à laquelle nous nous référerons), plus générale, qui institue en Italie le Service de santé national. Après plus de dix ans de luttes politiques sur le thème du droit à la santé, l’Italie se dote donc elle aussi d’un système paritaire pour tous les citoyens de la République. La psychiatrie n’en n’est pas exclue dans le sens où l’on établit qu’elle doit être réglementée par une loi sanitaire – et non pas par une loi spéciale. C’est ainsi que l’on reconnaît le droit à un traitement sanitaire pour les personnes atteintes de troubles psychiques qui, avant la loi 180, ne disposaient d’aucune option publique de soin excepté l’asile. Il s’agissait d’une institution à