Le paresseux
Caspar David Friedrich ( 1774- 1840 ) Femme à la fenêtre, 1822, Nationalgalerie Berlin
Cette femme à la fenêtre est Caroline, l’épouse du peintre.
La fenêtre est celle de l’atelier de Caspar David Friedrich à Dresde, sur les bords de l’Elbe, fleuve sur lequel circulent des navires.
Les tableaux de Friedrich ont toujours une portée philosophique et religieuse.
L’intérieur sombre de la pièce symbolise l’obscurité et la limitation de l’existence terrestre. La lumière , qui peut éclairer cette existence , vient du Christ, qu’on peut voir symbolisé par la croisée de la fenêtre au dessus de la tête de la jeune femme.
On se rappelle ici bien sûr la croix de la fenêtre du Caravage dans la Vocation de Saint Matthieu , dont j’ai récemment parlé.
On peut aller plus loin dans l’interprètation philosophique, en remarquant dans cette image des navires sur le fleuve le passage dans l’au-delà après la mort, un voyage sur le Stix en quelque sorte, une aspiration à une vie éternelle …
Que regarde-t-elle ?
Les peupliers peints par Friedrich au travers de cette fenêtre ont d’ailleurs un symbole funéraire . ( cf dictionnaire des symboles de Gheerbrant et Chevalier )
Dans la mythologie grecque, une Hespéride fut transformée en peuplier pour avoir perdu les pommes du Jardin sacré. Le bois de peuplier blanc était le seul dont il fût permis de se servir lors des sacrifices offerts à Zeus, et Hadès transforma Leucé en un peuplier qu’il plaça à l’entrée des Enfers ( et Leucé veut dire blanc en grec ).
Peuplier, arbre funéraire, symbolise les forces régressives de la nature, le souvenir plus que l’espérance, le temps passé plus que l’avenir des renaissances.
Ainsi Caroline serait nostalgique de son passé, ou consciente de la vanité des choses terrestres , et songe déjà à la mort. Vision pessimiste peut-être, mais tellement romantique !
Il faut savoir que Caspar David Friedrich a vécu un drame qui a sans doute déterminé sa vision mélancolique