Les fleurs bleues
Avant de se lancer dans l'étude des personnages, de leurs classes (actants) et de leur classification ou relations dynamiques, il faut prendre la précaution de dire que la frontière qui les sépare n'est pas absolument étanche.
Identité / Altérité :
Les Fleurs bleues se caractérisent non seulement comme un roman du rêve en miroir (qui rêve de qui, v. quatrième de couverture et Rêve), mais comme un roman du doute identitaire :
deux personnages portant un nom différent peuvent se reconnaître ou avoir des troubles qui le font se projeter ou s'aliéner en un autre personnage, et un même personnage peut avoir des doutes sur sa propre identité.
1) La projection/aliénation :
L'ambiguïté du pronom "il" dans les passages n'est que le degré zéro de cette aliénation : sommeil et rêve, cinéma intérieur ou extérieur (pour la projection dans l'écran, où le héros entre et ressort, v. Loin de Rueil, p. 211) suffisent à l'expliquer. Auge, en découvrant la péniche, dit : "J'ai toujours rêvé d'habiter sur une péniche" (p. 236, 14), ce qui relève de la prédestination. Mais il y a deux moments où les deux personnages sont atteints du vertige de basculer dans l'identité de l'autre.
d'une part au moment où Cidrolin a passé la nuit sous la pluie à se guetter lui-même, et où, sous le coup de la fièvre, la projection s'accélère en flashes rapides : Cidrolin passe du rêve à la réalité dans un va-et-vient délirant sans qu'il en conçoive d'ailleurs de désagrément (p. 217-218). d'autre part à la fin du chapitre VIII, où le duc est pris d'un vertige, comme sur le point de tomber dans l'abîme / abyme cidrolinesque - comme le manche après la cognée - avant d'être rattrapé dans les bras de Russule. Bien que le glissement soit justifié psycho-théologiquement ("méditation morose") et physiologiquement ("somnolence"), Auge se sent glisser : "Il ne sent plus la