Lettre de Gargantua à Pantagruel
Très cher père, je vous écris cette lettre pour vous dire à quel point Ponocrates a changé ma vie et mon éducation. Je ne perd plus une heure dans la journée, je consacre tout mon temps aux lettres et au noble savoir et me réveillé donc chaque jours vers quatre heures du matin. Pendant que l'on me massait, on me lisait quelques pages des Saintes Écritures, à voix haute et claire. Puis, lorsque j'allais excréter le produit des digestions naturelles, mon précepteur répétait ce qu’on avait lu et m'expliquait les points les plus obscurs et les plus difficiles de son récit. Pendant que l'on m’habillais, que l'on me peignais, que l'on me coiffais, que l'on m’apprêtais, on me répétais les leçons du jour précédent. Je les récitais par cœur et les comparais avec quelques exemples de la vie humaine, ce qui nous prenait parfois deux ou trois heures, mais on s’arrêtait quand j'étais complètement habillé. Ensuite, pendant parfois plus de trois heures, on me faisait la lecture. Et lorsque l'on sort, nous discutons toujours du sujet de la lecture et on va se divertir au Grand Bracque, ou dans les prés et jouer. Tous nos jeux se faisaient en liberté, car on abandonnait la partie quand il nous plaisait, et on s’arrêtait, normalement, quand la sueur nous coulait sur le corps, ou qu’on était fatigué. Une fois que nous étions très bien essuyé, on changeait notre chemise et allait voir si le dîner était prêt. En attendant, on récitait à haute voix quelques phrases retenues de la leçon. Au commencement du repas, on lisait une histoire plaisante jusqu’à ce que je prennes le vin, si je jugeais le vin bon on continuait la lecture. Pendant les premiers mois, on parlait de la vertu, de la propriété, des effets et de la nature de tout ce qui nous était servi à table : du pain, du vin, de l’eau, du sel, des viandes, des poissons, des fruits, des herbes, des racines et de leur préparation. Après, on parlait des lectures du matin.