Dimanche 26 Décembre 1915

Ma chère épouse,
Il m'est arrivé quelque chose d'extraordinaire il y a quelques jours. Des moments irréels qui nous ont fait oublier à mes camarades et moi l'enfer de cette guerre. Car c'est vraiment l'enfer, nous vivons et nous combattons dans de terribles conditions.
Je vais bien ne t'inquiète pas, mon aimée, mais la vie est dure dans les tranchées : il y a le bruit incessant des obus qui éclatent à proximité, mêlé aux cris de douleur des soldats. Nous vivons dans la crasse, les odeurs de cadavres oubliés sur le champ . Nous ne mangeons presque pas hormis le morceau de pain trempé dans la soupe déjà froide qui arrive jusqu'à nous. Pendant le repas, les rats nous tiennent compagnie espérant quelques miettes. Il est toujours aussi difficile de se procurer un morceau de savon pour pouvoir essayer d'enlever la crasse et la vermine qui nous couvrent entièrement.
Suite au dernier assaut de la journée, ce samedi 25, nous avons vu un bon camarade tomber sous les balles des allemands près de leur tranchée. Il appelait à l'aide pour qu'on vienne le chercher . Nous n'avons pas compris tout de suite ce qui se passait mais devant nos yeux un soldat ennemi a ramené notre ami blessé. Nous n'avons pas bougé, hypnotisés par cette vision
Quelqu'un a réagi, est sorti de notre tranchée et est allé récupérer notre camarade.
Que dire sur cette brève humanité, l'allemand est reparti. Assommés par ce geste, nous avons réalisé que les « autres » étaient aussi des humains.
Le plus téméraire de nous a confectionné un drapeau blanc et s'est dirigé vers nos ennemis.
Il leur a proposé des cigarettes, les uns après les autres nous sommes sortis de nos tranchées pour nous trouver face à face. Toujours dans ce silence nous nous entraidons pour dégager nos morts et les ramener derrière les lignes. Tout se passe en silence, sans une parole. On se comprend, les gestes sont précis.
Avant que la nuit tombe, les allemands sont revenus avec du vin et nous avons