Meddeb
Najeh JEGHAM, Angers/Université Paris 13
Prends garde que le même qui lit, le même est le livre, le même est lu, le même parle et le même est parlé sans être la parole. Mohammed Dib, Omneros. L'écriture est le lieu du cri, du souffle premier, fondateur. Elle est un espace de fondation, d’affranchissement du souffle qui procure l’épanouissement. En elle, il s’affirme, se répercute, se multiplie. Lieu d’expansion, l’écriture est le lieu de l’accomplissement dans le déploiement constant, de l’amplification de ce souffle vital. Le premier cri articulé dit en effet l’advenue, la naissance au monde, et au langage. Cela revient à dire que l’écriture a à voir avec le corps, siège de forces vives, de la flamme qui fait être, qui fait se mouvoir. Aussi, entre le corps et l’écriture, peut-on reconnaître un rapport étroit de collaboration, de détermination réciproque. Mieux : une concordance se révèle dans l’affirmation de l’être, de l’accès à la voie créatrice, là où le sujet peut se réaliser par la conjonction des dimensions plurielles qui le fondent. Comment cela se fait-il ? Comment le texte produit en témoigne-t-il ? Dans quel but cette configuration s’établit-elle ? Et quelle réception cela appelle-t-il de la part du lecteur ? Telles questions sont suscitées par l’œuvre de A. Meddeb, laquelle dit sa mise en œuvre comme fondation radicale, comme quête d’un lieu multiple dans lequel s’origine et s’accomplit l’être (écrivant, écrit et lecteur à la fois). Il serait intéressant d’entreprendre, à partir de là, un itinéraire de lecture, d’un texte à l’autre de Meddeb, un itinéraire captant les signes de la correspondance entre le Je et le texte, deux êtres se fondant l’un dans l’autre, se déployant dans la convocation des lieux autres, dans le frottement avec des territoires obscurs, se frayant le chemin de la quête, lumière qui éclaire l’activité fondatrice agissant dans le domaine esthétique.