Monologue comédien
La lourde porte du wagon de marchandises est ouverte.
Les paysages défilent…
Une voix d’homme,… proche…
« Il perd le sentiment. Amis, le temps nous presse.
Ménageons les moments que ce transport nous laisse.
Sauvons-le. Nos efforts deviendraient impuissants
S’il reprenait ici sa rage avec ses sens ».
Des gouttes de sueur ruissèlent de mon front.
Debout, au milieu de quelque part, des hommes et des femmes me rejoignent.
Un rideau s’ouvre, des centaines de mains crépitent.
Nous nous courbons, une, deux, trois fois.
Plus intense est le vrombissement venant de l’ombre.
Derechef, une, deux, trois fois nous nous courbons.
Moi, tourmenté par l’amour, la haine, des visions d’horreur, des meurtres, … je regarde….
Les paysages défilent …
Froid…, le drapé de soie fine couvrant mon corps presque nu, ne pèse pas lourd face au froid matinal.
Je penche mon corps presque effacé de maquillage au dehors.
Sur la paroi extérieure, un écriteau, destination Brati.
Provenance inconnue, hachurée, illisible, mais je sais, je viens de Buthrote, Buthrote en Epire.
Le rideau rouge se referme pour la dernière fois.
Le carrelage des labyrinthiques couloirs est glacé, je suis nu-pied.
Le dernier,… le dernier à rejoindre les loges, j’éteins le gyrophare orange signifiant « attention spectacle en cours ».
Le premier,… le premier en scène, rallumer ce même gyrophare éteint la veille.
De cette action dépend le bon déroulement de la pièce.
Qu’une autre personne avant moi, pousse sur l’interrupteur et je ne donne pas cher de la peau du spectacle.
Baisse de rythme, trous de mémoire, bafouillages et autres mauvais déplacements sont à craindre.
C’est là, une des petites phobies de type trouble obsessionnel compulsif qu’ont les comédiens avant de franchir le premier pas, de dire la première parole sur la scène.
52…53…54…, le train, je compte à haute voix. si à cent, pas d’oiseaux, en sang sur le bas côté je serais
61…62…63…, les