Musset et l'histoire
Le drame de Musset se situe à Florence dans les deux dernières années du règne d'Alexandre de Médicis (1536-1537). La ville est alors le théâtre d'affrontements qui ne sont pas sans analogies avec la situation que Musset vient de connaître en France avec l'échec des journées révolutionnaires de juillet 1830 et l'avènement de la bourgeoisie louis-philipparde. Il serait vain pourtant de voir en Lorenzaccio une pièce historique, car Musset laisse librement vagabonder son imagination en créant des personnages et en resserrant la chronologie des faits. Sa sympathie pour les révolutionnaires de 1830 est à l'unisson, sans doute, de celle qui transparaît dans la pièce à l'égard des républicains conduits par Philippe Strozzi, mais elle est tempérée aussi du même scepticisme. La réflexion de Musset sur l'Histoire laisse les deux temporalités se télescoper sans plus de commentaires, mais les lecteurs et spectateurs de la pièce peuvent librement y voir un simple déplacement où le poète témoigne de son désenchantement à l'égard de l'action politique. En 1536, Florence vit sous une autocratie tyrannique et corrompue. Les Florentins avaient tenté, après le sac de Rome par Charles-Quint (1527), de mettre en place un gouvernement républicain et, avec l'appui de François Ier, avaient chassé les Médicis. Mais le pape Clément VII, né Jules de Médicis, accepta de mettre fin à son alliance avec François Ier et de couronner l'empereur. Le 12 août 1530, à l'issue d'un siège de onze mois, les troupes de Charles-Quint et du Pape entrèrent ensemble dans Florence, et l'année suivante, par concession impériale, Alexandre de Médicis fut déclaré « duc de la république florentine ». Le nouveau seigneur, bâtard de Laurent le Magnifique et d'une esclave mauresque, règne alors en tyran : toutes les institutions furent entièrement sous son contrôle et il commença à mener une politique d'alliance avec les familles régnantes les plus importantes d'Europe. Les adversaires