novenceto
Non qu’il soit « tolérant ». L’homme tolérant, surtout « en matière d’étrangers », est bâti d’une identité bien définie, qui accepte la différence mais avec condescendance ou compassion. Celle-ci ne le bouleverse pas, ne le fera jamais plier. Il est et restera toujours identique à lui-même, fier et sûr de ses valeurs, nationales ou autres.
Au contraire, Novecento n’est pas taillé dans la pierre. Il est le musicien de l’océan, traversé de vents et de courants qui bouleversent tout mais qui s’échappent aussitôt. Il est le pianiste d’une musique bâ¬tarde, mélange des rythmes populaires qui résonnent dans les cales du paquebot et des échos des bals de la salle des premières classes. Il n’a pas les pieds ancrés au sol. Il flotte, et ses seuls repères tiennent sur les quatre-vingt-huit touches d’un clavier de piano. A partir de là, tout est possible. L’horizon est infini.
Candeur ? Peut-être. Peur de descendre à terre ? Sans doute. Novecento ne quittera jamais le paquebot.
Le narrateur le dit : « J’avais bien envie qu’un jour ou l’autre il descende, et qu’il joue pour les gens de la terre, et qu’il se marie avec une femme sympathique, et qu’il ait des enfants, bref toutes les choses de la vie… » Une terre, une femme, des gosses. Une vie. Un territoire qui se précise et se referme. Un enclos de normalité. Et le paradoxe tient dans le choix qui lui reste à faire : sur terre, les possibilités s’offrent à perte de vue, infinies. Mais il faudra choisir, arrêter son choix. S’arrêter, finalement. Novecento inverse le processus et préfère le nomadisme de son clavier. Tandis que ses doigts courent sur les touches du piano, limitées en nombre, l’harmonie des rythmes et des sons dégage l’horizon infini de ses rêves, et évoque la cohue bigarrée qu’emporte le