On ne Badine pas avec l'amour
Au 18ème siècle, le « proverbe » est une petite pièce jouée dans les salons sous forme de divertissement improvisé sur un léger canevas. Ce théâtre de salon est encore en vogue vers 1830, témoignant par là du déclin de la comédie, non seulement celle de Molière, mais aussi la comédie populaire considérée comme genre mineur (comédies de boulevard, vaudevilles, mélodrames…). La réactualisation du proverbe figure comme tentative de renouvellement du genre.
La visée morale du proverbe s’observe dans son titre qui prend souvent la forme d’un avertissement ou d’une leçon, d’une interdiction par sa tournure négative : On ne saurait penser à tout ; Il ne faut jurer de rien ; Il faut qu’un porte soit ouverte ou fermée. Le choix du proverbe confirme l’écart où s’est tenu Musset par rapport au théâtre romantique, parce que l’atmosphère du 18ème siècle quelque peu désuète, propre au proverbe contrebalance l’emphase romantique.
Le genre du proverbe subit fortement l’influence de la comédie italienne et plus encore d’un auteur du siècle antérieur à celui de Musset, qui lui doit beaucoup : Marivaux. Le sourire résulte davantage de ce théâtre que le rire. Le thème en est la surprise de la passion, le « jeu » de l’amour, le combat entre amour propre et amour et surtout l’utilisation polyvalente et ludique du langage.
Mais si cette petite comédie de la vie privée, en prose, sans réalité historique précise bien définie, s’éloigne du grand drame romantique, son auteur applique encore quelques principes de la Préface de Cromwell de Victor Hugo : l’abandon des conventions du théâtre classique, vraisemblance et bienséance notamment, mélange du grotesque et du sublime, dette avouée à l’égard d’un théâtre étranger, notamment élizabéthain, celui de Shakespeare surtout.
Il ne faudrait pas s’étonner de la liberté de Musset par rapport aux contraintes théâtrales des décors, notamment dans Badine. Dès 1830, après l’échec de sa Nuit vénitienne à