Oraison funèbre d'henriette d'angleterre
Henriette d'Angleterre avait 26 ans, lorsque, après avoir bu un verre d'eau de chicorée, elle ressentit de violentes douleurs abdominales. Elle mourut en quelques heures. L'hypothèse d'un empoisonnement fut écartée. Mais la brutalité de cette mort frappa vivement toute la cour. Sa mère était morte quelques mois plus tôt, le 16 novembre 1669.
Monseigneur, j'étais donc encore destiné à rendre ce devoir funèbre à très haute et très puissante princesse Henriette Anne d'Angleterre, duchesse d'Orléans. Elle, que j'avais vue si attentive pendant que je rendais le même devoir à la reine sa mère, devait être si tôt après le sujet d'un discours semblable, et ma triste voix était réservée à ce déplorable ministère. Ô vanité ! ô néant ! ô mortels ignorants de leurs destinées ! L'eût-elle cru, il y a dix mois ? Et vous, messieurs, eussiez-vous pensé, pendant qu'elle versait tant de larmes en ce lieu, qu'elle dût si tôt vous y rassembler pour la pleurer elle-même ? Princesse, le digne objet de l'admiration de deux grands royaumes, n'était-ce pas assez que l'Angleterre pleurât votre absence, sans être encore réduite à pleurer votre mort ? Et la France, qui vous revit, avec tant de joie, environnée d'un nouvel éclat, n'avait-elle plus d'autres pompes et d'autres triomphes pour vous, au retour de ce voyage fameux, d'où vous aviez remporté tant de gloire et de si belles espérances ? Vanité des vanités, et tout est vanité ! C'est la seule parole qui me reste ; c'est la seule réflexion que me permet, dans un accident si étrange, une si juste et si sensible douleur.
Aussi n'ai-je point parcouru les livres sacrés pour y trouver quelque texte que je pusse appliquer à cette princesse. J'ai pris, sans étude et sans choix, les premières paroles que me présente l'Écclésiaste, où, quoique la vanité ait été si souvent nommée, elle ne l'est pas encore assez à mon gré pour le dessein que je me propose. Je veux dans un seul malheur déplorer toutes les