Phedre
La Rochefoucauld écrit dans ses Maximes que «la plus juste comparaison que l’on puisse faire de l’amour, c’est celle de la fièvre ». Le lien semble en effet solidement tissé entre amour et maladie. Racine en écrivant Phèdre présente ainsi des personnages touchés par l’amour, tel un mal qui les ronge. La pièce expose plus particulièrement les passions de deux couples de personnages, Phèdre qui aime Hippolyte et Hippolyte qui aime Aricie. Ces couples, dont les réactions face à l’amour sont parfois différentes, devront être étudiés avec soins car si leurs amours sont des affections, elles doivent en présenter les caractéristiques, causes, symptômes et remèdes.
Nous allons donc chercher à savoir si Phèdre est, en ce sens, une tragédie d’amours maladives.
Pour cela, s’il y a maladie, nous nous appliquerons à en observer les effets physiques mais également psychologiques et moraux, avant de définir les caractères fondamentalement tragiques des amours de Phèdre.
L’amour se manifeste en son commencement de la même manière pour les trois personnages principalement touchés par l’amour dans la pièce. Autant pour Phèdre que pour Hippolyte et Aricie, l’amour a été vécu comme un coup de foudre, né à partir d’un regard. Les yeux acquièrent donc une importance primordiale. Si Phèdre explique être victime d’un «incurable amour (v. 283), c’est qu’elle a vu Hippolyte : « je le vis, je pâlis, je rougis à sa vue » (v.273). Ce vers si célèbre de Phèdre à Oenone comporte deux occurrences de voir, en début et fin de vers, ce qui accentue l’importance de ce sens. Vers 303, Phèdre explique qu’après s’être cru guérie, ses jours étant moins «agités » (v.298), la « blessure » (v.304) a été rouverte lorsqu’elle a «revu » Hippolyte. Ainsi, pour Phèdre, la contamination amoureuse a eu lieu par les yeux. Nous pouvons observer qu’il en est de même pour le couple que composent Hippolyte et Aricie. Tous les deux