Pied noire

86383 mots 346 pages
Le Pied Noir

dans une capote, qui Enveloppé de l’infanterie coloniale, portait les écussons le sergent Gustave Charbonnier regardait dans la brume de ce matin de Janvier 1916 s’approcher le port de Mazagan. De temps à autre, passant machinalement sa main droite dans l’ouverture du manteau, il palpait le moignon encore douloureux de son avant bras gauche, coupé entre le coude et le poignet. L’hôpital militaire lui avait bien ajusté une prothèse de cuir qu’il devait lacer sur son bras, mais il préférait se dispenser de cet horrible crochet d’acier nickelé qu’il avait remisé au fond de son sac et il se contentait de cette sorte de chaussette de laine qu’une dame charitable de la Croix-Rouge lui avait tricotée et sur laquelle il repliait sa manche. Après cinq jours de mer, plutôt mauvaise, il avait hâte, comme tous ses compagnons de voyage, de quitter le navire-hôpital qui les avait amenés de Bordeaux. Il reconnaissait les contours de la vieille forteresse portugaise qu’il avait quitté depuis bientôt deux ans et il avait le sentiment de rentrer à la maison. Ils étaient partis joyeux vers cette guerre sanglante qui les appelait. Il se souvenait, non sans amertume, ce plein bateau de soldats marocains, engagés dans une guerre qui n’était pas la leur, pour les quelques francs laissés à leur misérable famille. Les rescapés qui aujourd’hui l’accompagnaient, encore ébahis d’êtres sortis vivants de ce déluge de 1

M’Barka feu, de cet enfer de cris et de sang, se poussaient sur leurs béquilles pour voir leur pays. Certains pleuraient et tous ceux qui avaient encore leurs mains, les ouvraient en offrande pour remercier Dieu : Amdullilah ! Amdullilah ! Au moins ceuxlà pouvaient encore marcher, et voir , mais à l’intérieur étaient ceux que la phraséologie du temps appelait « Les grands blessés ». Tête de liste d’une classification de l’horreur, les définitivement irrécupérables , ceux qui seraient poussés par les infirmiers de la Croix-Rouge hors de ce bateau, comme d’une

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