Poulin chagrin 2013
La beauté est un miroir incertain. Un ciel pour désirs souterrains et parfois la mer des espoirs souverains... La beauté déshabille les plaies.
Nous avions quitté le roman Jimmy[1] en plein brouillard sur le fleuve:
– Pilote de chaland à île Madame. Besoin de... tendresse. Over. – île Madame à pilote de chaland. Vous reçoit mal. Répétez message. Over. – BESOIN DE TENDRESSE, CROTTE DE CHAT! BESOIN DE TENDRESSE! Over[2].
Jimmy, livré à son imaginaire, habitait avec son chat Chanoine à Cap-Rouge au bord du fleuve. Dans ce chalet aux pilotis pourris, Papou, le psychiatre-romancier, se vouait au grenier au culte d'Hemingway jusqu'à l'aliénation. Mamie, cette femme mère-enfant naufragée, se réfugiait parmi ses poupées. Nous avions laissé sur la berge un enfant en détresse, amoureux des fonds, des îles, des marées. Et des chats.
Sur un chaland -celui de Jimmy?-, la maison a traversé le fleuve. On l'a installée dans un «nouveau-monde» au bas de la falaise, bien à l'abri de la baie, isolée. Un escalier mène à l'étage, à la chambre.
Quelqu'un monte: Marika ou Jim lui-même. La porte a grincé. L'escalier mène à un autre escalier. Infiniment. Le temps s'étire. Dans le grenier d'une maison qui s'affaisse, le romancier fait les cent pas, marche en aveugle à tâtons dans son rêve. Il tend l'oreille vers la «Voix des étangs»[3], ce frère de lait de la «Petite misère»[4]. Dans son coffre aux trésors à ferrures dorées, sa lampe d'Aladin, dort le génie d'Ernest «Papa» Hemingway.
Des traces de pieds nus. Une porte grince. Un intrus se faufile dans la caverne par une brèche.
Un naufragé de l'amour rescape les débris de sa vie, cherche un sens, la mère patrie. Une ombre aux pieds nus escalade pas à pas, un chemin du coeur qui mène à soi. Et quelque part dans la cave, la blanche Vitamine vient d'accoucher de trois chats tigrés.
Le Vieux Chagrin raconte l'histoire de Jim[5], le récit au deuxième degré d'un personnage-narrateur à la