Procès madame bovary
Le 24 janvier 1857, s'ouvre à Paris, devant la VIème chambre correctionnelle, le procès de Gustave Flaubert, poursuivi pour "offenses à la morale publique et à la religion" après la parution de son roman "Madame Bovary."Déjà, lorsqu'il avait commencé sa carrière en feuilleton dans un grand quotidien national, l'ouvrage avait subi de nombreuses coupures que son auteur n'avait pas retenues pour la publication en volume. D'où les foudres de la Bien-Pensance du Second empire. Dans son excellent réquisitoire, M° Ernest Pinard, l'Avocat impérial, déclare :"L'offense à la morale publique est dans les tableaux lascifs que je mettrai sous vos yeux, l'offense à la morale religieuse dans des images voluptueuses mêlées aux choses sacrées."Et de citer, comme premier passage répugnant : "Emma et Rodolphe se regardaient, un désir suprême faisait frissonner leurs lèvres sèches et, mollement, sans efforts, leurs doigts se confondirent."Mais le pire est à venir puisque Flaubert conclut : "Elle se répétait : j'ai un amant ! un amant ! se délectant à cette idée comme à celle d'une autre puberté qui lui serait survenue. Elle allait donc enfin posséder ces plaisirs de l'amour, cette fièvre de bonheur dont elle avait désespéré. Elle entrait dans quelque chose de merveilleux, où tout serait passion, extase, délire."Avocat impitoyable mais lecteur superficiel, M° Pinard voyait là une glorification honteuse de l'adultère - pas moins. Le second passage incriminé, qui évoque la période religieuse qui s'étend entre les deux adultères d'Emma et décrit la fameuse scène de la communion dans la chambre de la jeune femme, lorsque celle-ci se croit aux portes de la Mort, était certainement plus sujet à caution. Mais l'Avocat impérial biaise encore et, au lieu de dénoncer la volonté - pourtant criante - du romancier d'établir un parallèle entre l'extase sexuelle et certaines extases spirituelles, il préfère accuser Madame Bovary de "salir l'institution du mariage" en se