Puis-je me connaître moi-même?
Immédiatement, une telle connaissance ne semble pas problématique : s’il est une chose, en effet, qui peut m’apparaître comme des plus familières, c’est bien moi-même. Dans la mesure où j’ai conscience de moi-même et où cette conscience accompagne les moindres faits de mon existence, il n’y a rien de plus évident que cette claire présence de soi à soi. En ce sens, l’objet d’une telle connaissance est sans mystère car sans distance. Ainsi, ce qui nous apparaît …afficher plus de contenu…
En ce sens, la conscience est extase (sortie hors de soi) et qui prend conscience de quelque chose fait l’épreuve, dans l’unité d’un même être, d’une altérité : ainsi, comme le relève Sartre dans l’Etre et le néant, si je prends conscience de ma croyance, je cesse déjà de coïncider pleinement et de ne faire qu’un avec elle ; « elle n’est plus que croyance, c’est-à-dire qu’elle n’est déjà plus croyance, elle est croyance troublée ». Prendre conscience, c’est mettre à distance. Par conséquent, si toute conscience est conscience de quelque chose d’autre, comment pourrais-je me connaître moi-même ? Pour reprendre la célèbre formule de Rimbaud, …afficher plus de contenu…
Aussi polymorphe que notre désir, notre identité, en devenir, s’accomplit ainsi dans un jeu d’expressions labiles, qui sont autant d’essais, d’hypothèses, de métamorphoses et de déplacements. L’éthique ne peut-elle pas apparaître justement comme une façon d’oser d’autres figures de soi ? Ne serait-ce pas manquer sa spécificité que de la réduire à un savoir positif qui décrirait le fait de l’identité? Au coeur de toute éthique, c’est un « peut-être », un « et si... », qui s’affirment : et s’il s’agit de se connaître, cette connaissance n’est pas un constat mais une invitation à se réinterpréter soi-même, dans le sens musical ici du terme « interprétation ». C’est bien une telle tentative éthique, une telle expérimentation, à laquelle nous invite Gilles Deleuze, dans Mille