Saint-Exupéry et le fascisme: Pour une poétique de l’idéologie
Saint-Exupéry et le fascisme:
Pour une poétique de l’idéologie
A
de la seconde guerre mondiale ne favorise les antagonismes, le retentissement culturel des idéologies fascistes dépassait largement les frontières des régimes politiques de Benito Mussolini et Adolf Hitler1. Le rexisme de Léon
Degrelle en Belgique ou l’Estado Novo de Salazar au Portugal indiquaient déjà une internationalisation politique progressive du mouvement, tandis que la conversion de nombreux intellectuels aux nouvelles religions séculières montrait une radicalisation, moins apparente mais plus insidieuse, de la pensée européenne. Ainsi, la
France, où aucun mouvement politique fascisant d’envergure ne naquit dans l’entre-deux-guerres, connut un bon nombre d’intellectuels fascistes, dont les plus célèbres furent sans doute les écrivains Brasillach,
Chateaubriant ou Drieu La Rochelle.
On comprend difficilement aujourd’hui comment des intellectuels et des auteurs de la trempe d’un Drieu, d’un Ungaretti ou d’un Heidegger2 ont pu succomber aux séductions d’idéologies et de régimes politiques dont certaines des manifestations culturelles favorites consistaient à brûler des livres et qui affichaient aussi ouvertement leur mépris de l’intellectualisme. D’autant plus que la mainmise des régimes totalitaires sur la pensée interdisait a priori l’individualisme et
VANT QUE LE DÉCLENCHEMENT
1
L’éclosion généralisée de mouvements de collaboration dans les pays occupés par les forces de l’Axe témoignera de cette internationalisation de la culture fasciste.
2
Au sujet d’Heidegger, voir le récent ouvrage d’Emmanuel Faye: Heidegger
L’introduction du fascisme dans la philosophie. Autour des séminaires inédits de 19331935. Paris: Albin Michel 2005.
ODAERT Olivier, «Saint-Exupéry et le fascisme: Pour une poétique de l’idéologie», RiLUnE, n. 1, 2005, p. 69-83.
Olivier Odaert
l’originalité propres aux grands artistes, climat dont George Orwell