Salaire c'est un enfant de colette
La nature est sanctuaire, tout comme le royaume de l’enfance avec lequel elle se confond. Elle constituera toujours, pour l’écrivaine, le lieu palingénésique par excellence, celui de la régénération, de la conjuration, où l’on parfait l’art de l’esquive. Tromper l’infidèle avec la nature est une manière de réparation : il s’agit de « se faire un pansement [de glaise, comme] la bécasse à l’échasse brisée[footnoteRef:4] ». Ce fut d’abord Belle-Île-en-Mer, puis, en Franche-Comté, l’oasis des Monts-Boucons, où elle entame son premier exorcisme[footnoteRef:5] et par là même, à l’image du reptile, sa première mue : ainsi la Vagabonde est-elle « tendue vers [s]on sort nouveau avec l’élan brillant du serpent qui se délivre de sa peau morte[footnoteRef:6] ». [4: Journal à rebours (1941), Œuvres, Paris, Gallimard, La Pléiade, t. IV, 2001, p. 158.] [5: « La place vide à côté de moi, je la chargeais de fleurs, de pommes, de châtaignes ». …afficher plus de contenu…
Devant l’animal sauvage qui ne laissa pas de la fasciner, dont elle tenta de conquérir le cœur afin de le mieux pénétrer (puisque aussi bien il est la survivance de l’éden), elle n’avait jamais effectué que « la moitié du chemin[footnoteRef:62] », échouant chaque fois à combler le gouffre qui les séparait. Alain, quant à lui, remonte le chemin dans sa totalité édénique, réussit une fuite parfaite, reconquiert, par et pour l’auteure, le saint Graal — la sauvagerie. [62: Prisons et paradis (1932), op. cit., p.