Soleil couchant
Comme une explosion nous lançant son bonjour !
- Bienheureux celui-là qui peut avec amour
Saluer son coucher plus glorieux qu'un rêve !
Je me souviens ! J'ai vu tout, fleur, source, sillon,
Se pâmer sous son oeil comme un coeur qui palpite...
- Courons vers l'horizon, il est tard, courons vite,
Pour attraper au moins un oblique rayon !
Mais je poursuis en vain le Dieu qui se retire ;
L'irrésistible Nuit établit son empire,
Noire, humide, funeste et pleine de frissons ;
Une odeur de tombeau dans les ténèbres nage,
Et mon pied peureux froisse, au bord du marécage,
Des crapauds imprévus et de froids limaçons.
« Je veux être Chateaubriand ou rien. » C’est un garçon âgé de quatorze ans qui écrit cette phrase déterminée. Soixante-dix ans plus tard il est un mythe, Victor Hugo, et la République lui fait des funérailles nationales et choisit de l’inhumer au Panthéon. L’Ode sur la mort du duc de Berry, qu’il publie en 1820, lui vaut une gratification du roi Louis XVIII. Le réquisitoire qu’il prononce le 17 juillet 1851 lui vaut d’être condamné à l’exil par Napoléon III. La préface du drame Cromwell fait de lui, en 1827, le chef de file de l’école romantique en France. L’Année terrible, publiée en 1872, le désigne comme la conscience du peuple républicain. Les Orientales, en 1829, prouvent la maîtrise et la virtuosité de sa langue poétique au service de thèmes orientaux que chérissent ses contemporains. Le scandale et le triomphe d’Hernani sur la scène de la Comédie-Française le 25 février 1830 imposent sans appel la puissance de la langue