Tartuff
Scène VTartuffe, Elmire, OrgonTartuffeOn m'a dit qu'en ce lieu vous me vouliez parler.ElmireOui. L'on a des secrets à vous y révéler.Mais tirez cette porte avant qu'on vous les dise,Et regardez partout de crainte de surprise.Une affaire pareille à celle de tantôtN'est pas assurément ici ce qu'il nous faut.Jamais il ne s'est vu de surprise de même ;Damis m'a fait pour vous une frayeur extrême,Et vous avez bien vu que j'ai fait mes effortsPour rompre son dessein et calmer ses transports.Mon trouble, il est bien vrai, m'a si fort possédée,Que de le démentir je n'ai point eu l'idée ;Mais par là, grâce au Ciel, tout a bien mieux été,Et les choses en sont dans plus de sûreté.L'estime où l'on vous tient a dissipé l'orage,Et mon mari de vous ne peut prendre d'ombrage,Pour mieux braver l'éclat des mauvais jugements,Il veut que nous soyons ensemble à tous moments ;Et c'est par où je puis, sans peur d'être blâmée,Me trouver ici seule avec vous enfermée,Et ce qui m'autorise à vous ouvrir un coeurUn peu trop prompt peut−être à souffrir votre ardeur.
TartuffeCe langage à comprendre est assez difficile,Madame, et vous parliez tantôt d'un autre style.ElmireAh ! si d'un tel refus vous êtes en courroux,Que le coeur d'une femme est mal connu de vous !Et que vous savez peu ce qu'il veut faire entendreLorsque si foiblement on le voit se défendre !Toujours notre pudeur combat dans ces momentsCe qu'on peut nous donner de tendres sentiments.Quelque raison qu'on trouve à l'amour qui nous dompte,On trouve à l'avouer toujours un peu de honte ;On s'en défend d'abord ; mais de l'air qu'on s'y prend,On fait connoître assez que notre coeur se rend,Qu'à nos voeux par honneur notre bouche s'oppose,Et que de tels refus promettent toute chose.C'est vous faire sans doute un assez libre aveu,Et sur notre pudeur me ménager bien peu ;Mais puisque la parole enfin en est lâchée,A retenir Damis me serois−je attachée,Aurois−je, je vous prie, avec tant