torquemada et les autres
La place de Victor Hugo dans l’évolution de la figure du Grand Inquisiteur au XIXème siècle.
La littérature du XIXème siècle a créé une figure originale, on pourrait même dire un mythe : le personnage du Grand Inquisiteur. Certes, celle-ci s’inspire sur certains points des traditions précédentes, en particulier la critique anticléricale des Philosophes des Lumières et du roman gothique anglais ; mais, établissant une synthèse inattendue entre ces deux univers, faisant, comme nous allons le voir, cohabiter au sein de ce personnage des caractéristiques a priori inconciliables, elle réinvente l’imaginaire lié à ce thème, et met ainsi en scène des problématiques nouvelles, propres à son époque.
C’est dans ce contexte de construction d’un type nouveau que s’inscrivent le drame de Hugo, et dans une moindre mesure, Notre-Dame de Paris. La gestion longue et difficile de l’une des œuvres qui a le plus contribué à forger le mythe du personnage, le drame Torquemada, du projet de la pièce, vers 1830, à sa publication, en 1882, couvrant une bonne partie du siècle, constitue un témoignage hautement représentatif des hésitations et des évolutions typiques de cette période. Le Grand Inquisiteur : une création du XIXème siècle Etonnamment, la critique de l’Inquisition, même chez les anticléricaux, était peu répandue avant le XVIIIème siècle. Les exemples de son utilisation littéraire sont isolées : par exemple, chez Cyrano de Bergerac, elle sert de contre-modèle utopique : l’Inquisition est évoquée dans Les Empires de la lune comme l’attitude inverse de l’ouverture d’esprit scientifique, que le narrateur rencontre lors de son voyage. Le recours à l’Inquisition devient un lieu commun du discours philosophique à la période des Lumières, et se nourrit avant tout des récits des voyageurs, notamment celui de Charles Dellon, médecin qui fut emprisonné dans les cachots du Saint-Office de Goa1 : L’Inquisition constitue, dans le discours