tourgeniev recit d'un chasseur
Récits d’un chasseur
BeQ
Ivan Tourgueniev
Récits d’un chasseur
Traduit du russe par E. Halpérine-Kaminsky
La Bibliothèque électronique du Québec
Collection À tous les vents
Volume 1037 : version 1.0
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Du même auteur, à la Bibliothèque :
Claire Militch
Fumée
Eaux printanières
Premier amour
Dimitri Roudine
Scènes de la vie rustique
Une nichée de gentilshommes
Journal d’un homme de trop / Trois rencontres
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Récits d’un chasseur
Édition de référence :
Paris, Éditions Albin Michel.
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I
Khor et Kalinitch
Ceux qui ont eu l’occasion d’aller du district de Bolkhovsky dans celui de Jizdrinsk ont dû remarquer combien les gens du gouvernement d’Orel diffèrent de ceux de Kalouga. Le moujik d’Orel est petit, voûté, morose ; il regarde en dessous ; il habite de méchantes isbas de tremble, est attaché à la glèbe, n’a aucun commerce, aucune industrie, mange Dieu sait quoi, et se chausse de tilles tressées. Le moujik de Kalouga est à la dîme ; il vit dans de larges isbas de pin ; il a la taille haute, le regard ferme et gai, la face lisse et blanche ; il fait le commerce de l’huile et du goudron et se chausse de bottes les dimanches et les jours de fêtes.
Un village du gouvernement d’Orel est, ordinairement, situé parmi des champs labourés,
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auprès d’un ravin transformé en marais. À l’exception de quelques cytises – sous lesquels vous pouvez attendre1 – et de deux ou trois maigres bouleaux, on parcourt des distances d’une verste sans rencontrer un arbre. Les isbas sont construites côte à côte et se soutiennent l’une l’autre ; toutes sont également couvertes de paille pourrie. Un village kalougien, au contraire, est presque toujours entouré d’un bois. Les isbas, espacées et droites, ont des toits en planches ; les portes ferment bien, la palissade ne tombe pas en ruine, elle ne laisse aucune brèche par où puissent pénétrer les porcs... Et pour le chasseur aussi c’est le