Tres
Chacun a une définition différente du GAP. Pour l'industriel, c'est une immense mer de terres agricoles qu'il faudrait se dépêcher de s'approprier à bas prix. Pour le politicien, c'est l'exemple le plus brillant d'un avenir radieux. Pour les gens qui sont sur place, c'est l'obsession d'être bientôt "propriétaire terrien", et peu importe si la terre est irriguée ou désertique. Pour la presse, qu'elle se rende sur place ou non, c'est un monument de fierté. Pour les finances publiques, c'est un gouffre sans fond. Pour nos voisins, c'est une perspective effrayante. [La Syrie et l'Irak ont protesté à de multiples reprises contre un projet qui réduira en amont le débit du Tigre et de l'Euphrate et entraînera une pollution due à l'irrigation.] Pour ce qu'on a l'habitude de nommer "le monstre de l'inflation", c'est un pâturage gras et fertile. Mais aucune de ces définitions ne reflète fidèlement la réalité. Il faudrait en fait définir le GAP comme "un espace agricole et culturel de haute technologie". Si, aux Etats-Unis, 2 % de la population arrive à nourrir le pays entier, et même le monde, on devrait pouvoir le faire nous aussi grâce au GAP. Toutefois, pour atteindre ce but, il faudrait une tout autre approche que les discours politiques et populistes qu'on entend. Le monde a bien changé depuis la création du projet. Les objectifs et les moyens ne sont plus les mêmes. Seuls nous-mêmes n'avons pas changé. Et le GAP s'est enlisé dans une voie sans issue. Il faudrait donc revoir les objectifs initiaux du projet et transformer ce dévoreur de