Un auteur livre -t-il sa vision personnelle du monde dans son oeuvre litteraire
Le paysan George Dandin, de Molière et le valet Figaro de Beaumarchais se plaignent de leur sort. Perdican de Musset hésite sur la conduite à tenir à l’égard de sa cousine tandis que l’extravagant détective de Jean Tardieu décline ses états de service. Privés d’interlocuteurs, à qui donc s’adressent ils ?
Apparemment ils se parlent à eux-mêmes, exprimant à haute voix les pensées qui les habitent. Cependant l’abondance des propos, le caractère construit de la pensée, le trouble qui est souvent manifesté devraient nous inviter à y regarder de plus près.
Dandin se parle à lui-même, ce qui est indiqué par l’apostrophe située à la fin de son monologue : « George Dandin ! George Dandin ! vous avez fait une sottise, la plus grande du monde ». Figaro s’adresse à des interlocuteurs absents, d’abord à Suzanne, son épouse, qu’il englobe volontairement dans la gent féminine trompeuse par la triple interpellation : « Ô femme ! ». Puis il vitupère son maître, le « perfide », « Monsieur le comte » Almaviva, qui prétend abuser de ses droits, avant de revenir s’apitoyer sur son propre sort. Perdican converse exclusivement avec lui-même en dépit de son évocation de Camille, la jeune femme qui le déroute. En effet il se contente d’examiner aussi objectivement que possible les réactions qu’elle produit en lui. Le détective Dubois-Dupont, quant à lui, vient se « présenter » au public qu’il interpelle nommément par ses « Vous avez entendu ? », « Vous voyez ? ». Cependant lui aussi s’adresse parfois à lui-même dans la contemplation narcissique de ses états de service : « J’ai tellement d’identités différentes ! C’est-à-dire que l’on me prend pour ce que je ne suis pas. » De même il s’émerveille de sa prescience du crime.
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