Victor hugo "les chatiments"
Texte étudié :
XXI ECRIT SUR LA PLINTHE D’UN BAS-RELIEF ANTIQUEA Mademoiselle Louise Bertin
La musique est dans tout. Un hymne sort du monde.Rumeur de la galère aux flancs lavés par l’onde,Bruits des villes, pitié de la sœur pour la sœur, Passion des amants jeunes et beaux, douceurDes vieux époux usés ensemble par la vie,Fanfare de la plaine émaillée et ravie,Mots échangés le soir sur les seuils fraternels,Sombre tressaillement des chênes éternels,Vous êtes l’harmonie et la musique même !Vous êtes les soupirs qui font le chant suprême !Pour notre âme, les jours, la vie et les saisons,Les songes de nos cœurs, les plis des horizons,L’aube et ses pleurs, le soir et ses grands incendies,Flottent dans un réseau de vagues mélodies ;Une voix dans les champs nous parle, une autre voixDit à l’homme autre chose et chante dans les bois.Par moment, un troupeau bêle, une cloche tinte.Quand par l’ombre, la nuit, la colline est atteinte,De toutes parts on voit danser et resplendir,Dans le ciel étoilé du zénith au nadir,Dans la voix des oiseaux, dans le cri des cigales,Le groupe éblouissant des notes inégales.Toujours avec notre âme un doux bruit s’accoupla ;La nature nous dit : chante ! Et c’est pour celaQu’un statuaire ancien sculpta sur cette pierreUn pâtre sur sa flûte abaissant sa paupière.
Victor Hugo, Les Contemplations, in « Les Luttes et les rêves » (1856)
Commentaire :
Les 11000 vers des Contemplations furent écrits dès 1834, mais surtout pendant l’exil à Jersey, puis à Guernesey, en particulier à partir de 1853 alors que Hugo composait les Châtiments. Mettant fin au silence lyrique qu’il observait depuis les Rayons et les Ombres (1840), le recueil, sommet de sa production poétique, somme de sa vie, de sa sensibilité et de sa pensée, se présente comme «les Mémoires d’une âme» (Préface). Si «une destinée est