Vie quotidienne des français durant la guerre 14-18
"Le soldat patauge lourdement dans la boue... Il est chargé : à bout de bras, deux "bouteillons" pleins - la soupe encore chaude -, les gourdes de vin, le pain en bandoulière et les musettes remplies de singe. Il cherche l'entrée du boyau qui mène à la tranchée où les autres attendent la bouffe. Il est presque à découvert et ne pense qu'à ça. Quelques balles perdues finissent leur trajectoire à hauteur de ses bandes molletières, elles viennent s'enfoncer, encore meurtrières, dans la gadoue jaune. Les godillots du soldat s'engluent dans la boue. Il fait encore nuit. Il n'y a que cette lueur à l'horizon avec, par moments, une sorte d'éclair ou une série de lumières plus fortes et un roulement sourd, un bourdonnement toujours présent, qui prend au ventre quand on l'écoute. C'est plus haut que ça se passe, ici le secteur est calme, comme on dit. De temps en temps, un tir de routine auquel nos artilleurs répondent mollement. C'est le Boche qui s'ennuie, en mal de cartons, qui serait presque le plus dangereux...
Il a ça en tête, le soldat, et il a hâte de trouver le boyau pour être à couvert... Et la soupe qui refroidit ! Il pense aussi au froid, à ses pieds trempés, au col de sa capote si rugueux...
A chaque pas, son casque mal ajusté lui cogne l'oreille droite, gelée, prête à se casser comme du verre. Putain d'équipement ! Vraiment, y a pas de respect pour le contribuable qui se bat pour la Patrie ! Sa gamberge s'arrête là. On vient de tirer une fusée éclairante qui retombe tranquille au bout de son parachute, à la verticale du soldat, illuminant tout, absolument tout... comme si ça suffisait pas d'être paumé, le voilà qui joue la cible. Et ça se fait pas attendre, ça crépite ! Un tir de mitrailleuse... Alors il plonge au sol, s'étale à plat ventre. La crosse de son Lebel lui fiche un sacré coup dans les reins. La soupe se répand sur le sol, il sent la tiédeur du bouillon contre sa cuisse. Il essaie de dégager son fusil et