Voyage au congo andré gide
Voyage au Congo (1927)
Tandis qu’il poursuit son œuvre romanesque et conserve une image d’écrivain nombriliste enfermé dans son appartement parisien, André Gide prend aussi parti sur des sujets d’actualité. De 1927 à 1928, il voyage au Congo puis au Tchad ; Voyage au Congo dénonce les abus du système colonial dans un pays qui n’accédera à l’indépendance qu’en 1960. C’est le début d’un engagement politique profond que l’écrivain poursuivra avec le Retour d’URSS (1936), œuvre également subversive.
29 octobre. Ce matin, j’étais allé voir l’un des chefs indigènes venus hier à notre rencontre. Ce soir, il me rend ma visite. Longue conversation. Adoum sert d’interprète, assis à terre, entre le chef et moi.
Les récits du chef de Bambio confirment tout ce que Samba N’Goto m’avait appris. Il me raconte en particulier le « bal » du dernier marché de Boda. J’en transcris ici le récit, tel que je l’ai copié d’un carnet intime de Garron.
« À Bambio, le 8septembre, dix récolteurs de caoutchouc (vingt, disent les renseignements complémentaires) de l’équipe de Goundi, travaillent pour la Compagnie forestière – pour n’avoir pas apporté de caoutchouc le mois précédent (mais, ce moi-ci, ils apportaient double récolte, de 40 à 50 kilogrammes) – furent condamnés à tourner autour de la factorerie sous un soleil de plomb et porteurs de poutres de bois très pesantes. Des gardes, s’ils tombaient, les relevaient à coups de chicotte.
Le « bal », commencé dès huit heures, dura tout le long du jour sous les yeux de MM. Pacha et Maudurier, agent de la Forestière. Vers onze heures, le nommé Malingué, de Bagouma, tomba pour ne plus se relever. On en avertit M. Pacha, qui dit simplement : « Je m’en f… » et fit continuer le « bal ». Tout ceci se passait en présence des habitants de Bambio rassemblés, et de tous les chefs des villages voisins venus pour le marché ».
Le chef nous parle encore du régime de la prison de Boda, de la détresse des indigènes, de leur exode vers une