Yourcenar
DENIER DU REVE DE M. YOURCENAR : lecture pirandellienne d’une critique politique des années trente
Les essais yourcenariens publiés autour des années 1920-30 constituent un véritable laboratoire d’idées où l’auteur a puisé pour la création de ses œuvres. Le bref renvoi à Pirandello présent dans “Diagnostic de l’Europe” atteste notre hypothèse nous permettant de procéder à une relecture intéressante de Denier du rêve. Partant des propos de Pirandello sur le cinéma, nous avons pu saisir un autre aspect du roman, tout en éclaircissant la critique du fascisme que Yourcenar y élabore, à savoir : le rôle de la culture de l’image dans la mise en place d’un régime totalitaire comme le fut le fascisme italien.
RELIEF 2 (2), 2008 – ISSN: 1873-5045. P275-288 http://www.revue-relief.org URN:NBN:NL:UI:10-1/100011 Igitur, Utrecht Publishing & Archiving Services © The author keeps the copyright of this article
On tourne. Le cinématographe a enseigné la décomposition du mouvement : les romanciers l’imitent ; la vie, tournée par l’un au ralenti, s’accélère entre les mains d’un autre opérateur. Les langues étrangères, connaissances qui ne font que juxtaposer et interchanger des mots, finissent par user la valeur propre de chaque idée. L’esprit règle son rythme sur celui d’une vie de plus en plus agitée ; il travaille au millième de second. L’art, jadis lent élaborateur, se spécialise dans l’instantané. On peut dire que l’esprit européen acquit, dans les dernières années du XIXe siècle, la sensibilité d’une pellicule photographique. (EM, 1654)
C’est avec cette considération sur le rôle qu’eut le cinéma naissant dans la transformation de la perception de la réalité que Marguerite Yourcenar clôt « Diagnostic de l’Europe », un de ses premiers essais sur la décadence de la modernité, publié en 1929 dans une revue suisse. Après avoir cherché les
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raisons de la crise de la civilisation occidentale dans le principe spenglerien et organiciste de la