L’objectivité de l’histoire suppose-t-elle l’impartialité de l’historien ?
Historien impartial, juge impartial sont des expressions consacrées par l’usage. Elles suggèrent que l’impartialité appartient à la nature même du métier de juge ou d’historien : un juge partial ne mérite pas plus son titre qu’un historien qui se montrerait partisan. Il semble donc que l’objectivité historique ait pour condition nécessaire l’impartialité de l’historien. Pourtant, l’impartialité signifie la capacité à juger en fonction d’une loi préexistante : or, n’est-ce pas tout le contraire qui caractérise le travail de l’historien, à savoir le refus de porter un jugement de valeur sur les événements et la réticence à admettre des lois de l’Histoire ?
L’impartialité définit en un sens le travail de l’historien. En tant que connaissance ou savoir, l’histoire implique une certaine impartialité. Ainsi, un seul témoignage n’est jamais suffisant ; la méthode historique prescrit de chercher les témoignages de la partie adverse, afin de gommer par la comparaison toute trace de subjectivité ou de parti-pris. De plus, l’historien n’a pas pour fonction de célébrer la gloire de sa nation ou de cautionner un programme politique. Thucydide n’a pas écrit l’histoire de la guerre du Péloponèse pour vanter l’héroïsme du peuple d’Athènes. L’histoire monumentale, comme l’appelle Nietzsche, est trop intéressée à trouver dans le passé une source d’inspiration à l’action présente pour chercher à le connaître tel qu’il a été. Enfin, il n’y a pas de raison de distinguer une “grande” et une “petite” histoire. Comme y insiste Paul Veyne, pour l’historien contemporain tout changement, humain ou naturel, mérite d’être relaté avec exactitude : l’objectivité historique est le fruit d’une pure curiosité intellectuelle.
On pouvait souligner les limites de cette impartialité, qui est une norme avant d’être une réalité. Il est impossible de n’être d’aucun pays, d’aucun temps, d’aucun sexe, d’aucune culture.