L'intentionalisme de sartre
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Les lecteurs de Sartre n’ont pas toujours su apprécier la force et l’originalité de cette critique de Husserl. Parce que les critiques de Husserl, dans L’être et le néant, sont denses et laconiques, on a pu les croire cavalières. Il n’en est rien. Cela n’a pas échappé à Merleau-Ponty, à tout du moins au Merleau-Ponty du Visible et l’invisible, qui a pleinement saisi le réalisme non métaphysique (« naïf », mais au sens positif que Merleau-Ponty donne à ce terme) que Sartre rétablit dans ses droits en prenant ses distances avec l’intellectualisme de Husserl. Merleau-Ponty crédite Sartre d’avoir restitué cette vérité de l’attitude naturelle que la réduction phénoménologique elle-même trahit encore, et qui est que l’ouverture primordiale au monde précède toute connaissance. Le génie de la solution sartrienne, point Merleau-Ponty, tient tout entier dans la thèse de l’impossibilité de quelque interaction que ce soit entre les deux termes de l’ouverture à l’être, et cette thèse procède elle-même de la thèse de l’hétérogénéité radicale des deux termes. Seulement, aux yeux de Merleau-Ponty, cette solution sartrienne a ceci de paradoxal qu’elle ne se soutient que de se renverser constamment dans son contraire : si la conscience rencontre le monde et n’a pas à le constituer, contrairement à l’hypothèse husserlienne, c’est au fond que la conscience ne saurait rencontrer le monde ; si l’intentionalité est contact concret, c’est au fond qu’elle est l’abstraction même d’un non-contact ; si la conscience est d’emblée installée dans le monde, s’il n’y a plus lieu de le reconstruire ou de le reconstituer, c’est qu’elle est incommensurable au monde ; si elle est d’emblée remplit d’être, c’est qu’en elle-même elle est parfaitement vide. Merleau-Ponty concède jusqu’au caractère irréfutable de la pensée sartrienne. Mais c’est précisément ce qu’il lui reproche : si elle l’est, c’est tout simplement qu’elle compense constamment une abstraction par une contre-abstraction. Cela signifie que