L'oeuil du loup de daniel
« M’agace, celui-là… »
Voila ce que pense le loup. Cela fait bien deux heures que le garçon est là, debout devant ce grillage, immobile comme un arbre gelé, à regarder le loup marcher.
« Qu’est ce qu’il me veut ? »
C’est la question que se pose le loup. Ce garçon l’intrigue. Il ne l’inquiète pas (le loup n’a peur de rien), il l’intrigue.
« Qu’est ce qu’il me veut ? »
Les autres enfants courent, sautent, crient, pleurent, ils tirent la langue au loup et cachent leurs têtes dans les jupes de leurs mères. Puis, ils vont faire les clowns devant la cage du gorille et rugir au lez du lion dont la queue fouette l’air. Ce garçon-là, non. Il reste debout, immobile, silencieux. Seuls ses yeux bougent. Ils suivent le va-et-vient du loup, le long du grillage.
« N’a jamais vu de loup ou quoi ? »
Le loup, lui, ne voit le garçon qu’une fois sur deux.
C’est qu’il n’a qu’un oeil le loup. Il a perdu l’autre dans sa bataille contre les hommes, il y a dix ans, le jour de sa capture. A l’aller donc
(si on peut appeler ça l’aller), le loup voit le zoo tout entier, ses cages, les enfants qui font les fous et, au milieu d’eux, ce garçon-là, tout à fait immobile. Au retour (si on peut appeler ça le retour), c’est l’intérieur de son enclos que voit le loup. Son enclos vide, car la louve est morte la semaine dernière. Son enclos triste, avec son unique rocher gris et son arbre mort. Puis le loup fait demi-tour, et voilà de nouveau ce garçon, avec sa respiration régulière, qui fait de la vapeur blanche dans l’air froid.
« Il se lassera avant moi », pense le loup en continuant de marcher. Et il ajoute :
« Je suis plus patient que lui. »
Et il ajoute encore :
« Je suis le loup »
2
Mais, le lendemain matin, en se réveillant, la première chose que voit le loup, c’est ce garçon, debout devant son enclos, là, exactement au même endroit. Le loup a