L'étranger - albert camus
Sur le Pavillon noir de Rudy Ricciotti
La pensée architecturale de Ricciotti est une pensée de l’encastrement du bâti dans un territoire. Les descriptions que Ricciotti fait de ses projets sont toujours précédées de soigneuses analyses des rapports de forces qui animent le lieu et des enjeux de la fonction à laquelle est destiné l’édifice. Produire une réponse architecturale à de tels ensembles, c’est articuler ce qui coexiste sans rapport : c’est transformer les tensions en une énergie plastique dans laquelle le bâtiment s’impose comme la solution d’un problème territorial aussi bien qu’architectural. Recréer, dans une villa ou dans un «stadium», la densité et la sécheresse de la roche provençale, dans un geste où le béton noir rencontre le calcaire blanc, la terre rouge et le vert des pins. Atteindre la grande élégance non par une théorie de la forme mais par une confrontation de la forme et du site. Ou bien, c’est à l’inverse la fonction qui injecte ses forces dans le lieu pour produire une résolution architecturale. Faire un bâtiment pour la danse, c’est en effet autre chose que donner un territoire à la danse, aligner simplement des bureaux, des plateaux de répétition, des studios, une scène. Pour le Pavillon Noir, l’architecte dit avoir voulu prendre le visage du chorégraphe, la maigreur sèche de la musculature comme modèle de son bâtiment. Que visait l’architecte : reflet narcissique ? Utopie corporelle ? La laideur affichée du bâtiment chasse toute hésitation : l’architecte ne cherche pas la belle âme du danseur, ni l’utopie d’un corps apollinien. Le bâtiment n’est pas non plus traité comme un corps au sens où l’entendait Le Corbusier : il ne s’agit pas de rêver le bâtiment comme un grand corps collectif. C’est que le corps, dès lors qu’il danse, se défait de ses contraintes biologiques pour se faire interrogation, mise en tension de l’espace qui cesse d’être le cadre ou le support du