Émile durkheim, “qu’est-ce qu’un fait social ?”
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Émile Durkheim, “Qu’est-ce qu’un fait social ?” (1894)
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Émile Durkheim “Qu’est-ce qu’un fait social ?” Un article publié dans Les règles de la méthode sociologique. Paris : Félix Alcan, Les Presses universitaires de France, 1894, 1re édition. Extrait du chapitre premier.
Avant de chercher quelle est la méthode qui convient à l'étude des faits sociaux, il importe de savoir quels sont les faits que l'on appelle ainsi. La question est d'autant plus nécessaire que l'on se sert de cette qualification sans beaucoup de précision. On l'emploie couramment pour désigner à peu près tous les phénomènes qui se passent à l'intérieur de la société, pour peu qu'ils présentent, avec une certaine généralité, quelque intérêt social. Mais, à ce compte, il n'y a, pour ainsi dire, pas d'événements humains qui ne puissent être appelés sociaux. Chaque individu boit, dort, mange, raisonne et la société a tout intérêt à ce que ces fonctions s'exercent régulièrement. Si donc ces faits étaient sociaux, la sociologie n'aurait pas d'objet qui lui fût propre, et son domaine se confondrait avec celui de la biologie et de la psychologie. Mais en réalité, il y a dans toute société un groupe déterminé de phénomènes qui se distinguent par des caractères tranchés de ceux qu'étudient les autres sciences de la nature. Quand je m'acquitte de ma tâche de frère, d'époux ou de citoyen, quand j'exécute les engagements que j'ai contractés, je remplis des devoirs qui sont définis, en dehors de moi et de mes actes, dans le droit et dans les mœurs. Alors même qu'ils sont d'accord avec mes
sentiments propres et que j'en sens intérieurement la réalité, celle-ci ne laisse pas d'être objective ; car ce n'est pas moi qui les ai faits, je les ai reçus par l'éducation. Que de fois, d'ailleurs, il arrive que nous ignorons les détails des obligations qui nous incombent et que, pour les connaître, il nous faut consulter le Code et ses interprètes