Analyse comparée de « Une lettre » Danièle Sallenave et de « Solitude numérique » de Didier Daeninckx (prof)
BACCALAURÉAT PROFESSIONNEL
ÉPREUVE DE FRANÇAIS
(L’usage de la calculatrice est interdit)
Coefficient : 3
Durée : 2 h 30
TEXTE 1 : Les Saisons de passage, Andrée CHEDID, 1996.
TEXTE 2 : Un Printemps froid, Danièle SALLENAVE, 1983.
TEXTE 1
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Elle raconte :
- Il y a trop de vieillards ! Partout, trop de vieillards. Ça coûte cher, ça bouffe l’espace, la planète va suffoquer. On n’ose pas trop le dire, mais lorsqu’on aligne les statistiques, ça fait peur… L’autre jour, je prends l’autobus et me voilà assise en face d’un de ces vieillards, édenté, voûté, tête branlante ; ses deux mains tachetées de roux s’appuient sur une canne. Puis un deuxième, tout aussi décrépit, vient s’asseoir à son côté. Arrive ensuite un troisième, suivi d’un quatrième, d’un cinquième, d’un sixième, à la queue leu leu ! Bientôt l’autobus est envahi d’octogénaires, de nonagénaires. Il y avait sûrement un institut de gériatrie dans les parages. Je me sentais cernée… Le long du chemin je les observais, ces mathusalems1, ces cacochymes2 ; j’éprouvais à la fois de l’écœurement et de la pitié… Soudain, dans ma tête, je me saisis d’une baguette magique et je les expédie, en douceur, l’un après l’autre, avec un sourire de fée, dans un monde meilleur. Je me dis : « J’élimine ». Je leur murmure : « Ça suffit, n’est-ce pas ? ». Ils m’approuvent d’un hochement de tête et s’endorment, béatement, pendant que je chantonne : « Suffit, suffit, suffit, suffit, suffit… ». Le soir j’y repense : « Et moi ? » me dis-je. Je me hâte vers la salle de bains, me plante devant mon miroir et me considère longuement : « Pas fameuse l’image, pas belle, pas belle du tout ! ». Mon œil conserve quelques points d’azur, noyés dans une eau glauque. Un filet de rides étreint mon visage. L’usure m’a prise d’assaut… Je lève le bras