La révolte contre l'imitation de l'Antiquité avait commencé dès la fin du XVIIe siècle par la Querelle des Anciens et des Modernes. Perrault, La Motte, Fontenelle, avaient porté de rudes coups à la tragédie classique. Mais le véritable démolisseur des règles sur lesquelles elle reposait est Diderot. Il s'insurge contre les prescriptions d'Aristote et d'Horace et contre les modèles classiques. Nos tragédies sont, à ses yeux, artificielles et fausses, contraires à la nature et à la vérité. Les sujets empruntés à la vie des grands, au lieu de l'être à la vie bourgeoise, sont sans intérêt pour nous. L'action est invraisemblable, car la peinture des crimes énormes et des mœurs barbares est hors de saison dans un siècle doux et civilisé. Enfin, le langage est ampoulé et déclamatoire, les costumes ridicules, la décoration absolument effroyable. Le poète dramatique devra donc prendre ses sujets dans la vie domestique; il créera la tragédie bourgeoise qui ne différera de la comédie sérieuse que par une issue tragique, qui sera fondée non plus sur les caractères mais les conditions, et qui mettra en scène non pas l'avare, le vaniteux ou l'hypocrite, mais le marchand, le juge, le financier, le père de famille. Ce changement en entraînait d'autres : la prose substituée aux vers comme étant un langage plus naturel, une plus grande variété dans le costume et le décor, plus de mouvement et de pathétique dans l'action. Mais Diderot confondait trop souvent la nature avec son réalisme puéril ; sous prétexte de morale, il donnait un sermon dialogue au lieu d'une action ; enfin sa sensibilité toujours en effusion le jetait dans un genre larmoyant et ridicule. Le double échec du Père de famille (1757) et du Fils naturel (1758) fut la condamnation de ces théories et le signal de la mort pour ses réformes.
Il faudra, pour amener en France une réaction radicale contre le Classicisme, d'autres influences plus fortes et plus profondes. Il faudra une transformation complète des façons de